Affaire Reynders : 700 000 euros en liquide et des tickets de loterie par milliers


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Sept cent mille euros déposés en cash, deux cent mille euros passés par la Loterie nationale : l'ancien ministre des Finances et commissaire européen à la Justice a été inculpé le 16 octobre. Le MR lâche son ancien président, la justice resserre l'étau.
Affaire Reynders : 700 000 euros en liquide et des tickets de loterie par milliers
© Shutterstock | Alexandros Michailidis

Il y a des affaires qui vous laissent sans voix. Celle de Didier Reynders en fait partie. Le 16 octobre dernier, l’ancien poids lourd de la politique belge s’est retrouvé face au juge d’instruction Olivier Leroux pour être inculpé de blanchiment d’argent. L’information est tombée ce mardi 4 novembre, révélée par la RTBF, Le Soir, Le Vif, De Standaard et le média d’investigation Follow The Money, et elle a de quoi faire trembler les fondations du monde politique belge. Quand on pense que cet homme a été ministre des Finances pendant douze ans, puis commissaire européen à la Justice, on se dit qu’il y a quelque chose qui cloche profondément dans le système.


Didier Reynders n’est pas n’importe qui. C’est l’une des figures les plus influentes de la scène politique belge des trois dernières décennies. Vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, ancien président du MR… Son CV politique fait plusieurs pages. Et pourtant, le voilà aujourd’hui au cœur d’une enquête qui pourrait bien ternir définitivement son héritage. Son épouse, Bernadette Prignon, magistrate émérite de la cour d’appel de Liège, a également été entendue le même jour mais n’a pas été mise en examen. Le parquet n’a pas souhaité confirmer officiellement l’information, et les avocats du couple ont préféré réserver leurs commentaires pour la justice, comme le rapporte la RTBF. Pour l’instant.



700 000 euros en liquide : comment personne n’a rien vu ?


Les chiffres donnent le vertige. Entre 2008 et 2018, Didier Reynders aurait versé pas moins de 700 000 euros en espèces sur son compte ING. Sept cent mille euros ! On ne parle pas de petites sommes déposées de temps en temps après avoir vidé la tirelire. On parle de flux d’argent liquide massifs et réguliers pendant une décennie. Et le plus troublant dans cette histoire, c’est que la banque ING, qui classe Reynders parmi les "personnes politiquement exposées" — donc théoriquement sous surveillance renforcée — n’a pas jugé bon d’alerter les autorités avant 2023. Cinq ans après avoir enfin posé quelques questions à son client VIP.


Le timing est d’ailleurs savoureux : ING interroge Reynders sur ses dépôts suspects en 2018, mais attend sagement 2023 pour transmettre une déclaration de soupçons à la CTIF, la cellule anti-blanchiment. Entre-temps, Reynders avait tout le loisir de trouver d’autres méthodes pour faire circuler son argent. D’où l’ouverture d’une enquête pour trafic d’influence visant directement ING Belgique. La Banque nationale s’est également saisie du dossier pour comprendre comment une telle négligence a pu être possible.


Des tickets de loterie par milliers : la méthode qui défie l’entendement


Si les 700 000 euros versés en liquide constituent déjà une anomalie gigantesque, c’est la suite de l’histoire qui frôle l’absurde. À partir de 2018, juste après son petit entretien avec ING, Didier Reynders aurait changé de tactique. Au lieu de continuer à alimenter directement son compte bancaire, il se serait mis à acheter des e-tickets de loterie par dizaines de milliers. Ces bons de 1 à 100 euros, achetables dans n’importe quel point de vente, auraient servi à blanchir environ 200 000 euros sur cinq ans, selon les informations rapportées par nos confrères.


Le stratagème est d’une simplicité désarmante : vous achetez des tickets de loterie en cash, vous créditez un compte joueur à la Loterie nationale, et hop, les gains — évidemment moindres que les mises — reviennent propres sur votre compte bancaire. L’argent "sale" est devenu "légal". C’est finalement la Loterie nationale qui a flairé l’arnaque et signalé les faits en 2022. Imaginez l’ironie de la situation : l’ex-ministre des Finances, celui qui était censé traquer les fraudeurs, se fait épingler par un organisme dont il supervisait jadis les activités entre 2007 et 2011.


Perquisitions, billets de 500 euros et antiquaires dans le viseur


En décembre 2024, trois jours seulement après avoir quitté ses fonctions de commissaire européen, Didier Reynders a reçu la visite de la police judiciaire fédérale. Perquisitions à son domicile d’Uccle, à sa résidence de Vissoul en province de Liège. Le butin découvert ? Sept mille euros en liquide dont une bonne partie en billets de 500 euros. Ces fameuses coupures violettes qui ont cessé d’être émises en 2019 précisément parce qu’elles facilitent les transferts d’argent discrets et le blanchiment. Le symbole est presque trop parfait.


L’enquête s’est ensuite élargie en juin 2025. Des perquisitions ont eu lieu chez Olivier Theunissen, un antiquaire réputé du Sablon à Bruxelles, proche de Didier Reynders. Le domicile de Jean-Claude Fontinoy, ancien collaborateur fidèle du ministre, a également été visité. Reynders justifie ses liquidités par son activité d’acheteur-vendeur d’œuvres d’art. Une explication que les enquêteurs examinent avec la plus grande attention. Mais visiblement, le juge d’instruction n’a pas été convaincu par les arguments présentés le 16 octobre.


Le MR lâche Reynders, le silence persiste


Depuis le début de cette affaire, Didier Reynders a adopté la stratégie du mutisme total. Pas d’interview, pas de communiqué personnel, pas de sortie médiatique pour clamer son innocence. Seul son avocat, Maître André Renette, a brièvement contesté la qualification de blanchiment en décembre dernier. Mais sur le fond, sur l’origine de ces centaines de milliers d’euros en cash, silence radio complet.


Le Mouvement Réformateur, dont Reynders a été l’un des piliers pendant des décennies, a officiellement confirmé qu’il n’est plus membre du parti. Une exclusion tacite qui en dit long sur l’embarras de la formation libérale. Car au-delà du cas Reynders, c’est toute une image qui s’écroule. Comment expliquer aux citoyens que celui qui gérait les deniers publics, qui incarnait la rigueur budgétaire et la lutte contre la fraude, se retrouve inculpé pour blanchiment ? Le parquet devra démontrer l’absence d’origine légale de l’argent, charge qui ne devrait pas être trop compliquée vu les circonstances. À Reynders de prouver le contraire.


Cette inculpation ne constitue pas une condamnation, certes. La présomption d’innocence demeure. Mais elle signifie que le dossier contient des éléments suffisamment sérieux pour poursuivre l’instruction. Et dans une affaire aussi médiatisée, impliquant une personnalité de ce calibre, les prochains mois promettent d’être explosifs. Le feuilleton judiciaire ne fait que commencer.


En bref


  • Date d’inculpation : 16 octobre 2025
  • Chef d’accusation : Blanchiment d’argent et potentiellement d’autres délits
  • Montant en cause : Près d’un million d’euros (700 000 euros via ING + 200 000 euros via la Loterie)
  • Période concernée : 2008 à 2023
  • Méthode soupçonnée : Dépôts massifs en liquide puis achat de tickets de loterie pour blanchir
  • Banque ING : Sous le coup d’une enquête pour trafic d’influence
  • Épouse : Bernadette Prignon entendue mais non inculpée
  • Statut MR : Didier Reynders n’est plus membre du parti

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